Il ne fallait pas être grand clerc pour, dès Juin de cette année, avoir quelque soupçons…. Nicolas Sarkozy élu, pouvait-on avoir la moindre confiance dans les termes qu’il utilisait pour qualifier la nature du traité modificatif qu’une nouvelle Conférence intergouvernementale -CIG- était chargé de rédiger ? « Mini-traité », puis « traité simplifié »… Vraiment ? Ce traité ne proposait-il que quelques modifications institutionnelles ? La lecture du mandat de la CIG pouvait déjà donner la réponse : le « traité modificatif » introduira, était-il explicitement mentionné, « dans les traités UE et CE, qui restent en vigueur, les innovations découlant des travaux de la Convention et de la CIG conclue en juin 2004 », ou autrement dit, les « innovations » du TCE repoussé par les Français et les Hollandais en 2005. Et dès cet instant, Nicolas Sarkozy avait été très clair – comme d’ailleurs lors de la campagne présidentielle : ce traité ne serait pas soumis au vote des Français, mais serait ratifié par voie parlementaire.
Qui a réagi à cette époque ? Qui a souligné la contradiction apparente dès juin entre les qualificatifs utilisés par Monsieur Sarkozy et repris à l’envi par les médias et le mandat de la CIG ? Personne, ou presque. Qui a réagi quand une première version du texte a été publiée dès juillet (il suffisait de reprendre le TCE, de faire quelques arrangements cosmétiques, et de le rendre encore plus illisible qu’il ne l’était…). Personne, ou presque. Qui a alerté sur le déni de démocratie évident que constituait le fait de faire passer par la fenêtre ce que le peuple avait chassé par la grande porte ? Personne ou presque.
Pourtant, c’est à une véritable bataille contre la montre que nous devons nous livrer. Le Président de la République et son gouvernement a toujours été extrêmement clair : il veut aller vite, très vite ! C’est dès le début de l’année 2008 que la ratification aura lieu. Tout est fait et sera fait pour interdire le débat sur ce traité, avec le soutien actif apparemment des médias qui préfèrent se disperser dans des commentaires sur les rapports de force entre nations ou sur les petits arrangements divers institutionnels. Pourtant, une seule et une seule question mérite d’être posée concernant ce traité : l’Europe peut-elle se faire dans le dos des peuples ?
L’enjeu est bien celui-ci, et uniquement celui-ci, au-delà du contenu-même du traité : a-t-on le droit d’interdire le débat sur la question européenne aux Français, et ce alors-même qu’ils ont montré un intérêt évident pour cette question lors de la campagne référendaire de 2005 ? A-t-on le droit pour cela de rédiger un texte proprement illisible puisqu’il ne contient que des listes de modifications des traités antérieurs ? A-t-on le droit, comme le fait Nicolas Sarkozy, de se prévaloir de son élection avec une majorité confortable sur la base d’une programme qui annonçait que le nouveau traité ne serait pas soumis au peuple pour ne pas consulter le peuple, c’est-à-dire faire fi absolument de la souveraineté populaire : si notre Président est si sûr que les Français étaient majoritairement favorables à ce traité – ce qu’ils auraient montré en l’élisant – eh bien qu’il le soumettre à référendum, et il en aura la preuve !
Quelques voix commencent à s’élever : il faut un référendum ! Mais ces quelques voix sont bien isolées. Le PS se tâte. Un collectif de forces de gauche lance un appel, mais sans créer d’instruments de lutte, site, tracts, argumentaires, et en prévoyant une mobilisation plus importante pour… fin novembre… Attac demande un référendum, en rappelant que les Attac d’Europe en appellent à une Assemblée Constituante Européenne, comme si c’était aujourd’hui le sujet quand chaque minute, chaque seconde compte dans la lutte acharnée que chacun de nous doit livrer pour que la démocratie en France ne soit pas bafouée de façon éhontée.
Car oui ! C’est bien chacun d’entre nous qui doit se lancer dans la bataille, chaque citoyen, de toutes ses forces s’il ne veut pas renier son Non de 2005, et même son Oui, car il n’est pas question ici de contenu du traité, d’espérances ou pas dans l’Europe, mais de démocratie. Les partis politiques sont atones sur la question ? Les associations en deçà de ce qu’elles devraient faire ? C’est à chacun de nous de prendre les choses en main, de bousculer les uns et les autres, d’interpeller les médias, de diffuser l’information autour de nous, d’agir, d’agir et vite ! La démocratie ne nous sera enlevée des mains que si nous acceptons qu’elle nous le soit !
On peut trouver des éléments pour comprendre ce traité – une version consolidée non officielle, entre autres -, l’essentiel des textes de ceux qui se sont élevés contre le mode de ratification souhaitée par Nicolas Sarkozy sur un site élaboré par quelques citoyens qui ne se satisfaisaient justement pas du silence. On y trouve des propositions d’actions, certes sans doute insuffisantes, mais qui ont au moins le mérite d’exister.